Oppidum des Castels

ΑΝΑΓΙΑ


 

Les fouilles qui ont été menées sur l'oppidum des Castels, à Nages, de 1958 à 1981, constituent la source d'information la plus abondante sur les derniers siècles de l'Age du Fer en Languedoc oriental. L'oppidum prend place sur une colline peu élevée, située en bordure de la plaine de la Vaunage, et fréquentée précédemment au début de l'âge du Bronze. L'habitat préromain y débute au IIIe s., et sa création pourrait être liée à un transfert de population depuis l'oppidum voisin de Roque de Viou, alors déserté.

On connaît mal la première étape de l'habitat (Nages I : vers 300-275 av. n. è.) dont les restes ont été presque partout détruits par les aménagements ultérieurs. On lui a attribué par hypothèse un rempart à plan grossièrement rectangulaire (enceinte 1), qui pose cependant encore de nombreux problèmes de topographie . A l'intérieur, on a rencontré des bribes de sols rattachables à cette époque, et quelques structures arasées. Ces traces pourraient correspondra au chantier de construction de la ville de Nages II ancien.

La deuxième phase (Nages II ancien : vers 275-175 av. n. è.) est mieux documentée : elle est marquée par la création d'un rempart (enceinte 2) englobant un habitat dont la structure est très régulière (quartier A, premier état). Des fouilles étendues ont concerné l'angle N.O. de la fortification. La courtine est faite d'un double mur construit d'un seul jet, peut-être renforcé par un fossé et un avant-mur dans le secteur L. Ce rempart a été repéré assez bas sur le flanc E. de la colline : il se peut qu'il ait englobé la source de Nages, comme l'indiquerait un tronçon de mur engagé sous les réservoirs d'époque romaine proches du point d'eau. L'angle N.O. est muni d'une tour monumentale à double épaisseur, de chaque côté de laquelle se répartissent tous les 15 m environ des tours ordinaires semi-ovales. Plus tard, on construit un escalier permettant d'accéder au sommet de la courtine derrière la tour monumentale à partir de la place du refend sud. A l'intérieur de cet angle de rempart, mais suivant une direction indépendante de celle des courtines (en fait le sens de la pente dominante du terrain), l'habitat se répartit en îlots de même module. Les quartiers sont très allongés, parallèles entre eux et séparés par de larges rues, reliées seulement (dans la partie fouillée) par une voie de circulation ménagée le long d'une rangée de cases bâties contre le parement intérieur du rempart (secteur H). Dans chaque îlot, les habitations sont elles-mêmes de forme et de taille semblables : des maisons à une pièce rectangulaire, accolées bout à bout par leur petit côté. Cet habitat, fondé au deuxième quartdu IIIe s. av. n. è. et en usage jusqu'au début du IIe s., donne l'impression d'une étonnante uniformité.

La troisième phase (Nages II récent : vers 175-100 av. n. è.) voit par étapes un agrandissement considérable de la surface de l'oppidum. Dans un premier temps (deuxième quart du IIe s.), on assiste à la fois à un remodelage de l'ancien quartier (secteur A) et à une extension de l'habitat vers l'O. (secteurs L et D). Dans le secteur A, les îlots de la ville de Nages II ancien sont doublés en largeur, par ajout devant les cases primitives d'une ou deux pièces visant plus souvent à augmenter la surface habitable de chaque cellule qu'à multiplier les unités d'habitation. Ce doublement se fait d'un coup, avec une régularité égale à celle qui avait présidé à la création des îlots, les rues étant exactement divisées par deux en largeur et les nouvelles façades parfaitement alignées. Une certaine diversité règne par contre désormais dans l'organisation interne des habitations, dont le plan n'a plus le caractère uniforme des cases de la phase précédente. L'extension de l'oppidum vers l'O. est contemporaine de ces faits (vers 175 av. n. è.). Elle est concrétisée par la création de l'enceinte 3, sur le flanc O. de la colline: puissant mur double, dessinant un angle arrondi au N.O., sans doute doublé d'un avant-mur au S.O., et rejoignant peut-être la tour S1 (mais sur la face nord, le mur a probablement été détruit lors de l'extension ultérieure de la ville). Cette nouvelle fortification protège des îlots d'habitation orthonormés et alignés à la courtine O. de l'enceinte 2. Le tissu urbain est ici plus aéré que dans le "vieux quartier", et les maisons, dont certaines sont dès l'origine à plusieurs pièces, plus spacieuses. Plusieurs tours sont arasées, totalement ou à moitié, pour appuyer des maisons au rempart englobé ; des drains protègent certaines salles des infiltrations.

Dans un second temps, soit durant le troisième quart du IIe s., la ville est à nouveau agrandie, cette fois vers le N. C'est la création de l'enceinte 4, qui s'appuie à l'O. sur l'angle de l'enceinte 3, et à l'E. vient reprendre en la doublant la face orientale de l'enceinte 1, qui avait été entre temps réaménagée en plusieurs points. L'angle N.O. de cette nouvelle enceinte, où aboutissait le chemin d'accès principal ("chemin des collines", traversant l'ancien oppidum de Roque de Viou), est renforcé par trois puissantes tours, protégeant chacune un porte étroite. Trois autres portes de même largeur, mais sans renfort particulier, sont connues sur la face N., à l'angle N.E. et sur la face E. La courtine est faite d'un mur central doublé à l'extérieur par un mur épais et à l'intérieur par un parement plus mince. Plusieurs quartiers d'habitat contemporains de l'enceinte 4 ont été fouillés dans les secteurs K, J, M et N. On a montré notamment que la rue principale du secteur L avait alors été prolongée vers le N. (K13), et qu'elle épousait ensuite la forme de la tour monumentale E1, pour venir dans le secteur J parallèlement à la face N. de l'enceinte 2, alors totalement englobée et en partie ruinée. Des maisons sont construites dans le secteur K (K9, K11, K14) et dans le secteur J (J13-J21), formant un urbanisme régulier. Les dépotoirs accumulés contre l'enceinte 2 sont contenus par des soutènements bâtis. Mais la trame de l'habitat est assez lâche et les aires non construites sont courantes (cour K8, zones J1, J6, J7, J11, J18).

Le Ier s. av. n. è. est globalement une phase de récession. Dès le début du siècle (Nages III ancien : vers 100-70 av. n. è.), certaines maisons, en pleine ville, sont abandonnées et leur emplacement utilisé comme dépotoir (L14, K9, K11). Des espaces libres ne seront jamais bâtis (K8, J7, J11). Cette période, et la suivante (Nages III moyen : vers 70-30 av. n. è.), ne connaissent en fait que peu de constructions nouvelles : tout juste une petite habitation du secteur J (J8) ; un bâtiment public dans le secteur A (AXIII1), vers 70 ; et une maison à plusieurs pièces contiguë à ce dernier (AXIII2-6), vers 50. Pour le reste, il s'agit de la réutilisation des structures du IIe s., moyennant quelques aménagements de détail qui affectent l'organisation des bâtiments, avec une tendance à la division de l'espace intérieur (AXII3-6, AXII9-12, H3-6, L3-4, L11-12, L17-20) et à la spécialisation de certaines pièces (grenier L3, ateliers L7, L9-10, AXIII3-4, J8, D1, magasin AXII14).

Le déclin de la cité s'accentue vers 30-20, lorsque les quartiers D, J, K et L sont abandonnés et bientôt ruinés, l'habitat se resserrant autour du fanum AXIII1 (secteur A). Toute vie cesse sur l'oppidum au changement d'ère, quand le fanum est brutalement incendié. Seul subsiste au sommet de la tour monumentale E1 un petit culte de hauteur jusque vers 20-40 de n.è.

Le site sera ponctuellement réoccupé sous l'effet d'une menace pressante au milieu du IIIe s. de n.è. Un dernier rempart sera construit dans le quart N.O. de l'oppidum préromain (enceinte 5), protégeant des maisons en pierre sèche hâtivement bâties et habitées peu de temps (doc. 10, secteur K).

L'oppidum des Castels fournit un exemple particulièrement clair des caractères et des étapes du développement d'une agglomération de la fin de la Protohistoire, pour deux raisons : d'une part le site n'a été que très partiellement réoccupé après cette époque, et l'état préromain est bien conservé ; d'autre part, l'histoire de l'architecture s'inscrit sur le terrain en stratigraphie horizontale, le périmètre urbain ayant été plusieurs fois agrandi, ce qui permet de lire aisément les grandes lignes des structures plus anciennes. Ainsi peut-on étudier quatre enceintes, réparties dans le temps entre le début du IIIe s. et la fin du IIe s. av. n. è., et plusieurs quartiers de fondation successive (milieu IIIe, début IIe, milieu IIe s.), à travers lesquels transparaît l'évolution de la conception de la maison, de l'urbanisme et de la fortification.

Le résumé de l'histoire de l'oppidum proposé ci-dessus ne donne en fait qu'une mince idée de l'apport considérable de ces fouilles à la connaissance typologique et ethnographique de l'habitat. Certes, cette histoire a été sans heurts : aucun incendie, sinon ponctuel (AXII6, AXIII1), n'est venu figer les documents à leur place originelle, et l'entretien poussé des sols, d'où résultent de nombreux dépotoirs (J1, J2, J3, J6, J7, K8, K9, K11, L1, L14, L21, L22, M1), prive de beaucoup d'éléments d'appréciation sur l'utilisation quotidienne des lieux domestiques. Cependant cette indigence dans le détail est partiellement compensée par le nombre des observations dans le domaine de l'habitat privé, mais concernant aussi l'organisation et les aménagements à caractère collectif, et donc par la possibilité de recouper l'information à divers niveaux. Cette abondance, et la clarté d'une stratigraphie parfois très fine, permettent enfin une approche détaillée de la culture matérielle des IIIe-Ier s., tant typologique que statistique. L'honnêteté oblige cependant à relativiser certains résultats de la recherche sur ce gisement : d'une part, d'importantes zones d'ombre subsistent, sur les premiers temps de la cité, mais aussi sur son extension tardive, notamment dans le quartier nord où peu de fouilles ont eu lieu, et sur les pentes sud de la colline, dont on ne sait presque rien. D'autre part, on se demandera jusqu'à quel point les caractères de l'occupation du Ier s. (Nages III) ont valeur représentative à l'échelle régionale, étant donné que l'agglomération donne alors des signes très nets de déclin, qui se traduisent par une désertion progressive de l'habitat.